La transmission du patrimoine immobilier par donation : faire une donation d’immeuble à ses enfants, une bonne idée ?

25 Août 2020
News Immo | Info immo « Acheteur/Vendeur »

Vous êtes propriétaire d’un ou plusieurs biens immobiliers. Ce peut être votre résidence principale, votre résidence secondaire, des biens de famille, un bien donné en location ou bien encore les locaux de votre entreprise.
Ce patrimoine ira à vos enfants et petits-enfants lors du règlement de votre succession.
Est-il souhaitable d’anticiper la transmission successorale en effectuant des donations de tout ou partie de votre patrimoine immobilier ?
Peut-être vous a-t-on déjà conseillé d’effectuer une donation en vous vantant les mérites des économies fiscales liées aux opérations de donations et aux avantages que représente, pour une famille, l’anticipation du règlement successoral. Peut-être, à l’inverse, vous a-t-on mis en garde contre les risques liés aux donations. Les avantages fiscaux ne seraient que des « miroirs aux alouettes ». Les donations mal préparées seraient de véritables niches à contentieux familiaux...
Comment faire le tri parmi toutes ces opinions afin de vous forger la seule qui compte vraiment, la vôtre ?
Nous vous proposons d’appliquer à cette question un cheminement d’interrogations qui, pas à pas, vous permettront de prendre sereinement votre décision.

Bénédicte GUENEGO et Véronique LE GALL
Consultantes Lloyd & Davis et Associées de BVLG²

Voulez-vous donner ?
Cette première question vous paraît trop simple. Détrompez-vous ! Elle est essentielle, et doit être traitée à part, sereinement, avant toute autre considération de stratégie patrimoniale.
Toute donation doit comprendre deux éléments cumulatifs, chacun d’égale importance. Le premier élément, d’ordre psychologique est « l’intention libérale ».
Il correspond au souhait du donateur d’avantager. Le deuxième élément, d’ordre économique, est le dépouillement actuel et irrévocable.
La donation est une transmission gratuite. Le donateur ne doit pas attendre de contrepartie de la part de celui qui reçoit. Certes, il est possible d’imposer au donataire quelques obligations qui peuvent être très intéressantes en matière d’immeuble, comme l’interdiction de vendre le bien donné, mais ces obligations, les charges de la donation, si elles existent, doivent être modérées pour ne pas disqualifier l’opération de donation.
La méconnaissance de cet aspect de l’acte de donation sous couvert de stratégie patrimoniale est bien souvent à l’origine de conflit familiaux.
Vous avez répondu par l’affirmative à la première question ? Il faut maintenant en poser une deuxième !

 

Pouvez-vous donner ?
Il s’agit là encore d’une question faussement simple. Bien évidemment si vous êtes propriétaire d’un patrimoine immobilier, vous pouvez le donner. Mais il faut envisager certains écueils.
Le premier écueil résulte de la diminution de votre patrimoine. La donation ne doit pas mettre en péril votre sécurité financière, non seulement maintenant, mais également dans l’avenir. On songera bien évidemment aux frais liés au grand âge qui peuvent nécessiter la mobilisation du patrimoine immobilier. Le notaire, qui nous a formées, utilisait une formule certes un peu abrupte mais très efficace : « ne donnez que ce dont vous êtes sûr de ne jamais avoir besoin ».
Si vous êtes certain de cela, vous pouvez continuer.
Le deuxième écueil est plus technique, comme en témoigne la médiatique affaire de la succession de « Johnny HALLYDAY ». Il s’agit de la contrainte liée à la réserve héréditaire.  Une personne ne peut pas tout à fait librement donner ou léguer son patrimoine lorsqu’elle a des descendants, enfants et/ou petits-enfants. Une partie du patrimoine est gelée et réservée aux descendants. Cette part est de moitié pour un enfant unique, des 2/3 en présence de 2 enfants et des ¾ en présence de 3 enfants ou plus. Les comptes sont établis au moment du règlement de la succession. Lorsqu’une donation ou un legs dépasse la part disponible du patrimoine, elle sera réduite au moyen d’une indemnité pour préserver la réserve des descendants.  Réaliser une donation est susceptible de consommer la fraction du patrimoine disponible du donateur. En général, les donations faites aux enfants ne posent cependant pas trop de difficultés, puisqu’ils sont, eux-mêmes, les bénéficiaires de la réserve héréditaire.
Si vous avez répondu favorablement aux 2 premières questions, alors vous pouvez continuer et envisager les avantages et inconvénients d’une donation d’immeuble !

 

Les donations de biens immobiliers permettent-elles la réalisation d’économies fiscales ?
La réponse à cette question est sans aucun doute OUI ! Les donations permettent d’alléger considérablement le coût fiscal de la transmission fiscale aux enfants. Il ne s’agit pas du tout ici de pratique frauduleuse puisque c’est le législateur fiscal, lui-même, qui a prévu ces avantages au profit des descendants. Il ne s’agit pas de la part du fisc de générosité, mais de répondre au constat qu’aujourd’hui, le patrimoine est détenu par la partie la plus âgée de la population. Les avantages fiscaux attachés aux donations sont un moyen d’augmenter les moyens financiers des plus jeunes, souvent plus susceptibles d’investir de manière active dans l’économie. Quand, vos objectifs patrimoniaux personnels coïncident avec ceux de l’administration fiscale, il serait dommage de ne pas en profiter !
Une remise à zéro du barème fiscal tous les 15 ans
Les transmissions par succession et par donation sont soumises au même impôt : les droits de mutations à titre gratuit. Il s’agit d’un impôt progressif, à l’instar de l’impôt sur le revenu. Plus le montant transmis est important, plus la taxation est lourde.
Vis à vis des enfants, les descendants profitent chacun d’un abattement de 100.000 euros. Au-delà, la taxation arrive très rapidement à un taux de 20%.
Les calculs sont établis par parent et par enfant.
L’avantage fiscal lié aux donations tient à ce que même si la donation entraîne une taxation immédiate, elle fait courir un délai de 15 ans, au bout duquel le barème repart à zéro. Passé ce délai de 15 ans, il est possible à nouveau de profiter de l’abattement de 100.000 euros et des taux d’imposition les plus faibles.

Ainsi prenons un exemple éclairant d’un couple de 58 ans disposant chacun d’un patrimoine équivalent de 1 million d’euros avec 2 enfants. La transmission du patrimoine par succession aux enfants a un coût de 312.776 euros.
Supposons que chaque parent effectue une donation de 100.000 euros à chaque enfant, soit un total de 400.000 euros donnés. Cette donation n’engendre aucun droit de mutation à titre gratuit car elle reste dans la limite de l’abattement de 100.000 euros.
Il reste alors à transmettre 800.000 euros par parent aux enfants. Si le décès survient plus de 15 ans après la donation le coût fiscal de la transmission s’élèvera à 232.776 euros. L’économie fiscale globale atteint 80.000 euros.
Les donations d’immeuble avec réserve d’usufruit : un effet démultiplicateur.
Les donations d’immeuble avec réserve d’usufruit présentent de nombreux avantages. Elles réalisent une transmission immédiate tout en permettant au donateur de conserver la jouissance de l’immeuble. Ainsi le donateur peut continuer à occuper le bien et à en percevoir les loyers si le bien est loué. L’usufruit peut être temporaire, mais le plus souvent il est réservé pour toute la vie du donateur. On parle alors d’usufruit viager.  Au décès du donateur, l’usufruit s’éteint automatiquement, sans aucune démarche. Les donataires qui étaient nus-propriétaires recouvrent la pleine propriété du bien.
Il est possible en plus d’ajouter à la donation une réversion d’usufruit au profit du conjoint. De cette manière le conjoint survivant pourra continuer après le décès du donateur à habiter l’immeuble ou à en percevoir les revenus.
L’avantage fiscal de la donation avec réserve d’usufruit tient à ce que la taxation de la donation ne porte que sur ce qui est transmis, c’est à dire la nue-propriété. L’extinction de l’usufruit ne génère quant à elle aucune taxation. La nue-propriété a une moindre valeur que la pleine propriété. Pour calculer la valeur de la nue-propriété, le droit fiscal tient compte de l’espérance de vie du donateur et utilise un barème qui augmente par tranche de 10% tous les dix ans. Ainsi pour un donateur dont l’âge est entre 51 et 61 ans, la nue-propriété est évaluée à 50% de la valeur de l’immeuble en pleine propriété. La nue-propriété sera évaluée à 60% de la valeur du bien si le donateur a plus de 61 ans et ainsi de suite jusqu’à un seuil maximal de 90% pour les donateurs âgés de plus de 91 ans.
Reprenons l’exemple théorique étudié plus haut. Les parents décident de donner à chaque enfant un bien immobilier de 400.000 euros dont ils sont propriétaires en indivision chacun pour moitié. Compte tenu de l’âge des donateurs la nue-propriété sera évaluée à 50 % de la valeur des immeubles et la donation ne générera alors aucun droit de donation puisqu’elle ne dépasse pas le montant de l’abattement de 100.000 euros. Il reste alors à transmettre 600.000 euros par parents aux enfants.
Si le décès survient plus de 15 ans après la donation le coût fiscal de la transmission s’élèvera à 152.776 euros. L’économie fiscale globale est ici doublée et atteint 160.000 euros.
Donation et impôt sur la fortune immobilière
Attention, seule une donation en pleine propriété fait sortir le bien immobilier donné de l’assiette de calcul de l’impôt sur la fortune immobilière (dit « IFI », remplaçant de l’impôt sur la fortune) du donateur. Le transfert de l’IFI n’a pas lieu en cas de donation d’un immeuble avec réserve d’usufruit, l’immeuble étant réputé rester dans le patrimoine de l’usufruitier donateur, pour le calcul de cet impôt.
Les limites des avantages fiscaux
L’avantage procuré par les donations en matière de stratégie patrimoniale est très important, c’est pourquoi ce mécanisme est très souvent utilisé. Il faut toutefois en mesurer les limites qui viennent, sinon anéantir, au moins en limiter l’intérêt.
Tout d’abord, les donations d’immeuble, en dehors même des droits de donations générés par la transmission ont un coût. Les donations d’immeuble ne peuvent se faire que devant notaires à la différence des dons de sommes d’argent. S’ajoute à cela une taxe hypothécaire spécifique aux donations d’immeuble. Il faut donc prévoir une enveloppe qui variera, selon le type de donation, mais qui peut être évaluée entre 1,5% et 3% de la valeur de l’immeuble transmis. Les frais de la donation peuvent être pris en charge par le donateur sans surcoût même si, en théorie, ils incombent au donataire.
Ensuite il convient d’éviter que les avantages tirés d’une donation soient réduits voire anéantis par la taxation des plus-values immobilières en cas de revente ultérieure du bien donné. Il faut donc se garder de sous-évaluer l’immeuble au moment de la donation car, outre le risque de redressement fiscal pendant 3 ans, le montant taxé au titre de la plus-value, peut être très élevé en cas de revente. La prise en compte de l’impôt sur la plus-value immobilière est donc essentielle, au moment du choix du bien à donner. La taxation des plus-values immobilières fera l’objet d’une étude, dans notre prochain numéro.

La transmission du patrimoine immobilier par donation